Progressivement d’ailleurs, au cours de son œuvre ultérieure, Carré de Malberg abandonnera progressivement les oppositions qu’il force ici. 13À la monarchie pure ainsi caractérisée Carré de Malberg oppose la monarchie apparente. Les Constituants de 1791, selon Carré de Malberg, ont naturellement déduit la représentation politique de la notion de souveraineté nationale : « Le principe de la souveraineté nationale a paru, au contraire [de la monarchie absolue et de la démocratie directe], en 1789-91, impliquer que tout titulaire du … Il détient, en particulier, un droit de sanction, de telle sorte que si le contenu de la loi est fixé par les chambres, le fondement de la force obligatoire de la loi est à rechercher dans l’exclusive volonté du monarque. Ce qui est ici donné, c’est « du droit positif en vigueur », mention importante pour un juriste positiviste qui ne définit le droit qu’en relation avec la volonté étatique qui le produit de manière continuée. L’opération réalisée par la Révolution consiste en un report du pouvoir du monarque sur la nation mais ce report consiste aussi en une transformation radicale de ce pouvoir. r de faire des lois 2. L’État existe indépendamment d’elle puisque le monarque reste le détenteur principal de la puissance et conserve un pouvoir réglementaire autonome et initial 59. Il n’est plus, en conséquence, le maître de la puissance étatique. Afin de découvrir la théorie révolutionnaire de l’organe d’État, il faut donc gommer le langage employé par les constituants et retrouver derrière les mots trompeurs 37 les concepts et le système gravés dans la Constitution de 1791, s’attachant pour cela « non à ce qu’ils ont dit mais à ce qu’ils ont fait ». Ainsi se trouve supprimée l’existence d’un pouvoir absolu. La monarchie absolue est une modalité du gouvernement direct. À l’inverse « un étranger, dont la volonté serait imposée au groupe par une force venant du dehors, ne serait plus un organe de la collectivité mais un maître » 56. Recueil de citations classées par thème : Volonté générale. Dans un tel système aucune autorité ne peut détenir une puissance ou une compétence concurrente ou autonome car il n’est pas d’autre source de la valeur juridique des actes étatiques que la volonté législative exprimée par l’organe d’expression de la nation. Conscient de l’importance de la théorie révolutionnaire de la représentation et de ses difficultés, Carré de Malberg a tenté de reformuler la théorie révolutionnaire de la représentation elle-même sous la forme d’une théorie de l’organe d’État. Les membres de cet organe sont collectivement les représentants « du peuple tout entier » 45. 24La théorie de l’organe d’État est étroitement liée à la définition de l’État comme personne juridique, dans la mesure où elle permet de comprendre comment un être abstrait, une entité collective, peut « vouloir », c’est-à-dire comment on peut lui prêter, lui imputer une volonté. Il n’en a pas toujours été ainsi. Cette définition a rempli une double fonction dans la doctrine monarchique allemande du xixe siècle. La souveraineté se trouve « divisée, émiettée par quotes parts personnelles, entre tous les membres ut singuli de la nation » 29. En effet, le droit constitutionnel de la Révolution française est non seulement au fondement de l’ordre juridique français, mais à la racine de l’État moderne. Carré de Malberg n'a pas inventé la distinction entre souveraineté du peuple et souveraineté nationale ! TOP 10 des citations carré (de célébrités, de films ou d'internautes) et proverbes carré classés par auteur, thématique, nationalité et par culture. It rests upon a representation of the sovereign nation which Carré de Malberg, however, reinterprets by applying to it the German monarchist theory of the organ of state, his aim being to show that this theory is first and foremost revolutionary. Il est historien du droit dans ses jeunes années, et ensuite jeune professeur à la Faculté de droit de Caen où il s'attache au Droit Civil. La Révolution française marque un tournant dans la conception de l’État. Carré de Malberg a soutenu ici qu’il fallait distinguer entre la souveraineté nationale – la bonne souveraineté nationale, peut-on écrire – et la mauvaise souveraineté populaire, cette distinction permettant seule, finalement, de comprendre que la Révolution n’a pas seulement transféré la souveraineté d’un titulaire à l’autre, mais qu’elle a inventé un mode d’organisation du pouvoir jusque-là inédit, appelé cependant à caractériser l’État moderne, lequel ne trouve son accomplissement qu’en lui. Il est à noter cependant que cette déformation est ponctuelle. Ce n’est pas parce que ces principes sont posés qu’ils sont juridiques mais c’est parce qu’ils sont vrais qu’ils acquièrent une valeur juridique. La constitution n’y est plus octroyée par un monarque placé au-dessus d’elle mais, au contraire, le monarque est subordonné et constitué par une constitution placée au-dessus de lui. 81-90. Il repose sur une représentation de la nation souveraine que Carré de Malberg réinterprète cependant en lui appliquant la théorie monarchiste allemande de l’organe d’État, mais en essayant de démontrer que cette théorie est d’abord révolutionnaire. Guiheux Gilles. L’auteur n’explicite pas cette thèse, et aucune philosophie de l’Histoire sous-jacente ne vient la justifier, mais le sens des développements qu’il consacre au principe de la souveraineté nationale la suppose. 8L’apport majeur de la Révolution française, selon Carré de Malberg, est d’avoir consacré le principe de la souveraineté nationale. Il n’existe, en conséquence, que dans la forme de sa représentation par un organe constitutionnel, ici le Reichstag 44. Cela est d’autant plus surprenant que les hommes de 1789 ont dégagé les éléments de cette théorie avec une fermeté et une précision que personne n’a dépassées depuis lors ». Son œuvre reflète ces tensions plus qu’elle ne restitue le droit révolutionnaire dans sa vérité d’archive ; elle justifie ou invalide un présent qui continue plus qu’elle ne représente un passé qui a cessé d’être. Toutefois celui-ci conserve un pouvoir réglementaire initial et autonome qu’il peut exercer par ordonnance en vertu de sa puissance originaire dans les domaines qui ne sont pas affectés par la constitution au partage de compétence avec les Chambres. L'apport majeur de la Révolution française, selon Carré de Malberg, est d'avoir consacré le principe de la souveraineté nationale. Pour cet Alsacien dont la famille, optant pour la nationalité française après 1870, avait choisi l’exil dans « la France de l’intérieur », le droit constitutionnel consacré par la Révolution française est non seulement une alternative historique à l’Ancien Régime français mais une alternative politique au droit monarchique allemand appliqué dans le Reichsland d’Alsace-Moselle 6. Il implique une transformation de l’exercice même du pouvoir, par différence avec le principe monarchique et le principe de la souveraineté du peuple. Celle-ci n’est pas, à proprement parler, une véritable monarchie parce qu’elle ne repose pas sur un principe monarchique. Il est vrai qu’ailleurs Carré de Malberg écrit que l’objet du contrat social est « de créer, au sein de la société, une autorité publique, supérieure aux individus » 27, c’est pourquoi chaque individu contractant « consent à une aliénation totale de sa personne à la communauté ». Or, selon Carré de Malberg qui se place dans le cadre de la théorie de la souveraineté nationale de la bourgeoisie révolutionnaire française de 1789, c'est la Nation qui est l'auteur de la Constitution, qui est souveraine, qui limite les pouvoirs de l'Etat et l'Etat ne saurait violer la souveraineté nationale. « La notion d’organe, écrit-il en ce sens, suppose l’existence de certains liens entre le groupe et les individus qui veulent pour ce dernier » 54. juridique à l’omnipotence de l’État, à son pouvoir sans limite »1. CARRÉ DE MALBERG retient une conception essentiellement négative de la souveraineté : celle-ci n’est finalement qu’une garantie d’indépendance, la certitude que l’État ne se verra pas imposer de sujétions qu’il n’accepterait préalablement 6 . Introduction « La souveraineté ne peut être représentée par la même raison qu’elle ne peut être aliénée; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point: elle est la même, ou elle est autre; il n’y a point de milieu ». Le principe de la souveraineté populaire est, selon Carré de Malberg, indissociable de l’idée de contrat. Raymond Carré de Malberg est né à Strasbourg le 1er Novembre 1861. 35Il résulte de la comparaison entre ces deux schémas que, dans le système allemand, la nation est juridiquement un organe subordonné exerçant une compétence partielle dans un domaine restreint. Mais parce qu’un tel système repose sur le principe de la souveraineté nationale, il implique une toute autre conception de la loi. Il veut démontrer que ce système, formulé par les hommes de 1789 « avec une fermeté et une précision qui n’a pas été dépassée depuis lors », a été juridiquement réalisé par la Constitution française de 1791 60. À la différence des auteurs qui ne voient dans ce principe qu'un nouvel habillage de l'absolutisme, une simple translation du pouvoir du monarque à CARRÉ DE MALBERG 9 la nation dans la forme inchangée d'une puissance souveraine, C… Car c’est à lui qu’il appartient de mettre en mouvement l’activité étatique, en donnant l’impulsion aux organes autres que lui-même » 14. Il est difficile de préciser davantage la pensée de Carré de Malberg sur ce point car, par ailleurs, d’un strict point de vue juridique, il soutient que le représentant ou l’organe n’est lié par l’existence d’aucune volonté antérieure de sorte que la nation ne commence à vouloir non par l’intermédiaire de ses représentants mais par le moyen de son organe de volonté. The principle of national sovereignty is according to Carré de Malberg a corner-stone of the modern state. Or il faut croire que cette fonction ne doit. Seul l’État-nation réalise pleinement le concept juridique d’État, parce que seul il permet d’attribuer la souveraineté à un être collectif et abstrait, incapable d’exercer le pouvoir illimité dont il est le détenteur « Seule l’idée qui trouve son expression dans le principe français de la souveraineté nationale, permet de dégager pleinement le concept d’État, s’affirmant comme sujet permanent et distinct, c’est-à-dire à la fois, de ses organes, quels qu’ils soient, et des individus qui le composent à chacun des moments successifs de sa durée » 18. Raymond Carré de Malberg (préf. Copy a citation. En cela même consiste sa souveraineté. Ni la souveraineté nationale ni l’identification de la loi à la volonté générale ne procèdent d’un acte constitutionnel, posé par l’État, mais ils sont bien plutôt la condition de possibilité de la formulation de tout acte positif. En ce sens il a une valeur descriptive. Principes juridiques, ils ne sont pas posés mais paraissent exister en soi, comme un substrat juridique incréé qui est à l’origine de toute création. Faculté de sciences économiques et sociales15, rue des Frères Lumière68093 Mulhouse Cedex, Voir la notice dans le catalogue OpenEdition, Nous adhérons à OpenEdition Journals – Édité avec Lodel – Accès réservé, You will be redirected to OpenEdition Search, Carré de Malberg et le droit constitutionnel de la Révolution française, A digital resources portal for the humanities and social sciences, Annales historiques de la Révolution française, L’opposition de la souveraineté nationale et de la souveraineté monarchique, L’opposition de la souveraineté nationale et de la souveraineté populaire, La théorie révolutionnaire de l’organe d’État, Les origines allemandes de la théorie de l’organe d’État, Les origines révolutionnaires de la théorie de l’organe d’État, Parution : La Révolution française. Et c’est pourquoi finalement la démocratie aboutit aux mêmes résultats que la monarchie : la résorption de l’État dans la personne de son souverain et, finalement, la disparition de l’État. Fort de cette déformation des théories de Rousseau aux conséquences absurdes, l’auteur peut lui opposer la rationalité d’une souveraineté nationale qui combine harmonieusement l’unité de la souveraineté et la disparition de son exercice effectif. L’État n’existe qu’au moyen de la volonté de la nation qu’il personnifie. 32En apparence ces propositions se concilient mal avec l’idée que les autorités législatives et constituantes sont les seuls organes de l’État, autrement dit que la nation ne commence à vouloir que par le moyen de son organe. 12De la monarchie absolue de l’Ancien Régime français Carré de Malberg rapproche en effet la monarchie limitée allemande au xixe siècle, opposant ces deux figures de la monarchie pure à la monarchie apparente. Le premier a avoir énoncé le concept de souveraineté est Jean Bodin, un jurisconsulte français, en 1576. La portée de cet événement, qui modifie la nature même du pouvoir, dépasse évidemment la seule organisation « française » du pouvoir et se présente comme un modèle de l’organisation de l’État. Le trait caractéristique de ce système est la sanction que le monarque imprime à l’expression de la volonté nationale pour la rendre obligatoire. Raymond Carré de Malberg, né le 1er novembre 1861 à Strasbourg et mort le 21 mars 1935 dans la même ville, est un juriste positiviste et constitutionnaliste français. D’autre part, et plus généralement, la labilité du mouvement révolutionnaire et l’instabilité constitutionnelle de la France, interdisent de tirer ici des conclusions définitives. L’article7 de la Constitution de 1793 déclare clairement que « le peuple souverain est l’universalité des citoyens français », les articles25 à 27 de la Déclaration des droits consacrent pareillement l’idée que « la souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible », « aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier » et « tout individu qui usurperait la souveraineté (serait) à l’instant mis à mort » 33. Il est manifeste que pour l’auteur, ces principes juridiques, comme la souveraineté nationale, la définition de la loi comme expression de la volonté générale, ont une valeur de vérité indépendante de la positivité des actes qu’ils justifient. Mais surtout, ce qui frappe, à la lecture d’une œuvre tendue vers la démonstration de la supériorité de la conception révolutionnaire sur la conception allemande de l’organe d’État, est qu’elle finit par consacrer non la représentation de la nation souveraine mais la souveraineté de la représentation nationale, hypallage qui débouche sur le parlementarisme absolu que dénonçera l’auteur dans son ouvrage consacré à la IIIe République, dans lequel il démontre que si le fondement de la force obligatoire de la loi est l’expression de la volonté générale, cette expression est cependant monopolisée par un organe de production qui ne représente plus la nation réelle 62. La conception allemande de l’organe d’État déduite du principe monarchique réduit la nation au rang d’organe de l’État parce qu’elle ne repose pas sur le principe de la souveraineté nationale. 4D’une part, l’auteur est un juriste et non un historien. Par la suite, La loi, expression de la volonté générale, sous-titrée Étude sur le concept de loi dans la Constitution de 1875, se propose « de constater et d’établir, d’après les données fournies par le droit positif en vigueur, l’un des points capitaux du système constitutionnel français actuel (…) touchant la notion de loi et le pouvoir législatif », à savoir l’influence exercée par « le concept énoncé dans le célèbre article6 de la Déclaration des droits de 1789 », qui définit la loi comme l’expression de la volonté générale 3. Cette évolution de son centre dintérêt professionnel vers le droit constitutionnel est inséparable de sa condition dexilé alsacien dans la « France de lintérieur ». Il n’est pas certain que dès 1789‑1791 la nation se soit entièrement confondue avec le seul organe de sa représentation. Carré de Malberg juge que la Révolution fait accomplir au droit public (en général) un « grand progrès » 5 en ce qu’elle consacre les vrais principes de l’État moderne. Tel est le système de l’État légal dans lequel la compétence des autorités est conditionnée par la volonté exprimée par l’organe national. Full citation; Abstract. Caroline-Barbe Colchen Carré de Malberg (8 April 1829 - 28 January 1891) was a French Roman Catholic from Metz who founded both the Salesian Missionaries of Mary Immaculate and the Association of Saint Francis de Sales (1872). Le système de la souveraineté populaire est ici absurde puisqu’il consacre une souveraineté des individus qui, par définition, est négatrice de la souveraineté de la collectivité unifiée. Il pense que le peuple allemand « n’a pas de personnalité différente de l’Empire allemand et existant en dehors de lui » dans la mesure où il n’a pas de volonté 43. Souveraineté et fédéralisme De par son caractère absolu, la souveraineté s'adapte bien mal au fédéralisme. La notion même de volonté souveraine se trouve ainsi transformée, comme le montre l’auteur lorsqu’il distingue entre le pouvoir constituant originaire, fait historique a-juridique et le pouvoir constituant dérivé, procédure juridique anhistorique. « Classiques », 1984 (ISBN 2-7178-0811-6) Raymond Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l'État, Paris, CNRS Éditions, 1920, 1530 p. (ISBN 978-2 … Carré de Malberg reprend cette thèse de Jellinek, toutefois, alors que les juristes allemands accompagnent cette thèse de celle de la souveraineté de l’État, Carré de Malberg se référant à la tradition française, l’accompagne lui de l’affirmation de la souveraineté nationale. Par ailleurs, les théoriciens de la monarchie – Laband au premier chef – accroissent considérablement le domaine de l’ordonnance autonome lorsqu’ils définissent matériellement et restrictivement la loi comme l’ensemble des droits relatifs aux sujets de l’État. Le statut de ces principes est toutefois indéfini. Carré de Malberg : et l'origine de la distinction entre souveraineté du peuple et souveraineté nationale. Le dictionnaire Larousse donne de nos jours cette définition de la souveraineté : Pouvoir suprême reconnu à lÉtat, qui implique lexclusivité de sa compétence sur le territoire national et son indépendance absolue dans lordre international où il nest limité que par ses pr… MLA (7th ed.) DOI : https://doi.org/10.3406/juro.1999.2508, www.persee.fr/doc/juro_0990-1027_1999_num_12_1_2508, LA THEORIE GENERALE DE L'ETAT DE RAYMOND CARRE de MALBERG*, Maître de conférences à l'Université de Rennes I Laboratoire d'Etude du Droit public. D’une part, il rend compte d’une certaine organisation spécifique du pouvoir. Dès lors il faut conclure que « le peuple et sa représentation sont juridiquement une seule et même chose » 49. Chaque homme, par cela seul qu’il continue de faire partie de la communauté nationale étatisée, concourt à tout instant à la formation de la nation et de l’État » 26. Il y a, écrit le juriste alsacien, une « essence commune de la monarchie et de la démocratie » 16 qui réside dans la prétention d’une personne ou d’un groupe de personnes, le peuple, à exercer, en vertu d’un droit propre, le pouvoir souverain. Toutefois il faut ici considérer que la réduction de la nation à un organe de l’État prend une signification très différente selon qu’elle est éclairée par le principe de la souveraineté monarchique ou le principe de la souveraineté nationale. L’État et la nation ne sont, sous deux noms différents, qu’un seul et même être. Son regard reste orienté vers l'Alsace la terre natale, une terre de l'Occident moderne déliée de la patrie. C’est pourquoi Rousseau est finalement bien obligé d’admettre le principe majoritaire, lequel expédient « nécessaire » est aussi « contradictoire » avec les prémisses de sa pensée, puisqu’il revient à admettre que des individus souverains se verront contraints par la majorité. Cette transformation caractérise la naissance de l’État moderne. 9À la différence des auteurs qui ne voient dans ce principe qu’un nouvel habillage de l’absolutisme, une simple translation du pouvoir du monarque à la nation dans la forme inchangée d’une puissance souveraine, Carré de Malberg pense que la nature même du pouvoir s’en trouve affectée. e tous les juristes français, Carré de Malberg est celui qui a le plus contribué à acclimater la pensée juridique allemande en France. Le principe de la souveraineté populaire consacre, ici, la confédération d’individus souverains 21. Mais rend-il compte de la conception révolutionnaire de la représentation nationale. Patriote et alsacien sont donc bien les caractères irréductibles de l'homme mais aussi du juriste. On remarquera, d’une part, que Carré de Malberg minimise considérablement le rôle juridique joué par le monarque dans la procédure législative sous la Constitution de 1791. Cependant si la nation ne veut que par le moyen de son organe de représentation, l’importance et la force juridique de sa volonté seront directement fonction de la place qu’occupe cet organe dans la constitution subordonné en monarchie mais, nous allons le montrer, principal en République. « L’œuvre capitale de la Constituante –écrit l’auteur –a consisté à séparer l’État de la personne royale et pour cela la Constituante fait intervenir la nation qu’elle oppose au roi comme le véritable élément constitutif de l’État, et par suite, comme seul légitime propriétaire de la puissance souveraine » 10. À bien des égards, l’œuvre de Carré de Malberg apparaît comme une discussion critique de l’œuvre de Laband, professeur à l’Université impériale de Strasbourg de 1872 à 1917, date de sa mort 7, et auquel, peut-on dire, il succède en obtenant sa mutation, dès 1919, dans la nouvelle université républicaine de Strasbourg8. Pour de nombreux auteurs, la théorie de l’organe s’inscrit dans le cadre d’une théorie générale de la monarchie limitée dans laquelle les chambres, appelées par le monarque, organisées par la constitution octroyée à participer à l’élaboration de la loi, ne jouent cependant que le rôle constitutionnel et, pour tout dire, subalterne, de conseiller du monarque, titulaire exclusif du droit de sanction.