Sa compagne et collègue cinéaste Agnès Varda, qui était partie avec lui et l'avait accompagné dans son projet de film américain, explique plus tard ce choix par l'originalité de l'histoire (« C’est très bizarre, ce père qui veut épouser sa fille, qui s’obstine comme ça et elle qui se cache dans une peau d’âne. L'une des astuces les plus marquantes est celle utilisée pour faire défiler les nuages sur la « robe couleur du temps » de la Princesse. » », « Quand j'ai écrit la scène où l'on voit Peau d'âne pétrir la pâte et chanter la chanson du. iStock - JoseIgnacioSoto . Parce qu’une Princesse refuse d’épouser son père. Une princesse, conseillée par sa marraine la Fée, refuse l'amour de son père en fuyant cachée dans une peau d'âne, qu'elle quitte pa L'ultime demande de la princesse envers le roi, pour sa dot, est la peau de cet âne, ce qui se trouve être un sacrifice difficile pour le monarque, qu'il accomplit quand même. Jacques aimait beaucoup ce conte[6]. C'est ce succès qui amènera un producteur anglais à financer le prochain projet de conte de fées de Jacques Demy, Le Joueur de flûte[86]. Pour lui, c'était comme si un danseur était venu se plaindre de ses pieds en sang ou de son dos cassé. Quelques années plus tard, il monte le projet de moderniser Cendrillon, autre conte de Perrault, et d'en jucher l'héroïne sur des patins à roulettes. Le violet, associé à la fée des Lilas, obtenu en mélangeant le bleu et le rouge, agit comme tampon entre les deux royaumes. Le prince d’un autre royaume, vient en visite au village, en se promenant arrive à sa maison et la voit, parée de sa robe couleur soleil. Celle-ci est furieuse de l'échec de son dernier stratagème. Le film est en fait une adaptation de cette dernière, dont l'auteur reste inconnu[117]. En 1994, Play Time / FGL sort pour la première fois en CD l'intégralité de la musique du film, chansons comprises Il fait venir auprès de lui sa fille, qu'il avait rejetée depuis la mort de son épouse et qui s'était jusque-là divertie en chantant l'amour dans un jardin du palais (Amour, Amour). La cérémonie se poursuit, et alors que défilent les invités prestigieux accourus de toutes parts, la page du conte se referme. Ainsi la chambre de la Princesse, dans le film, diffère-t-elle grandement de ce qui était initialement prévu. Lorsque les chevaux qui tirent son carrosse, devenu charrette au long du voyage, s'arrêtent d'eux-mêmes en pleine forêt, la jeune fille, qui a désormais l'apparence d'une gueuse, s'enfonce dans les bois. Si les petits sont aussi effacés, dans un univers pourtant dévolu au monde de l’enfance, c’est que les adultes ont pris leur place. Un premier 33 tours sort en 1970 : Isabelle Aubret raconte Peau d'âne (disques Meys, réf. La rêverie des deux jeunes gens est quant à elle tournée dans la campagne d'Eure-et-Loir, à Rouvres, près de la maison de Michel Legrand[40]. Les paroles ambigües de la Fée, au moment où elle conseille à sa filleule de fuir le Roi, prennent alors tout leur sens : sa motivation à aider sa filleule tenait aussi et surtout d'un empressement à éloigner une rivale prétendant aux affections du Roi, et la Fée apparaît alors pourvue d'immoralité, déjouant le stéréotype établi dans les contes[148]. De même que dans les précédents films de Jacques Demy, les acteurs principaux sont doublés pour les chansons[n 8]. Ce court-métrage muet en noir et blanc reprend le canevas d'une féerie créée en 1838 au théâtre de la Porte-Saint-Martin et qui connut un grand succès populaire tout au long du XIXe siècle, mais pour lequel les auteurs, Émile Vanderburch et Laurencin, avaient modifié l'intrigue afin de ne pas y inclure la dimension de l'inceste : si la Princesse devait y porter une Peau d'âne, c'était pour châtier sa coquetterie et non plus pour échapper aux yeux de son père[n 3]. L’univers chromatique du Peau d’Âne de Jacques Demy est riche en nuances franches. […] Si bien qu'on peut dire de Peau d'âme qu'il nous fait comprendre tout ensemble ce qu'est un conte, ce qu'est l'archéologie, ce qu'est l'histoire et ce qu'est l’œuvre d'un des plus grands cinéastes français. Après quelques années passées aux États-Unis, entre 1967 et 1969, durant lesquelles il réalise Model Shop avec le soutien financier de la compagnie Columbia, Jacques Demy souhaite tourner un film inspiré de la culture française et en particulier de ses contes de fées et de leur merveilleux, qui lui inspirent « une très grande joie[6] ». Elle a également été membre du groupe vocal de jazz, Agnès Varda préfère l'emploi du pluriel latin «, L'influence de Jean Cocteau sur le film en général est, à bien des égards, très perceptible. Je vais voir l’engin en question et c’était une affreuse mécanique, qui marchait par saccades ; le flocage n’avait pas été fait ; ils avaient collé un tissu dessus et on voyait la colle. Sa distribution comprend Marie Oppert sous les traits de la Princesse, Mathieu Spinosi comme Prince, les danseurs Michaël Denard et Marie-Agnès Gillot comme Roi bleu et Reine rouge, et Claire Chazal sous la forme de la narratrice[99],[100]. Peau d'âne, de Cécile Chicault, une réécriture graphique du conte poétique du XVIIème Dans le conte en vers de Peau d'Ane, mourante, une reine se fait promettre par le roi de ne prendre pour nouvelle épouse qu'une femme plus belle qu'elle. Lorsque j’ai lu le scénario de Peau d’Âne, j’ai retrouvé les émotions de ma lecture d’enfance, la même simplicité, le même humour, et, pourquoi ne pas le dire, une certaine cruauté qui sourd généralement sous la neige tranquille des contes les plus féériques. Ainsi, le défilement de la pellicule en marche arrière permet de donner l'impression que des bougies s'allument par la seule action de la baguette magique (alors qu'elles ont en réalité été préalablement filmées en train de s'éteindre), que les deux héros dans leurs roulades oniriques parviennent à remonter une pente (ils se sont plutôt laissés glisser naturellement vers le bas) ou que la Fée des lilas remonte par le plafond (le plan est en fait une répétition inversée et ralentie du plan précédent, qui la faisait crever le plafond et descendre dans la pièce). En 2007, dans le film Le Quatrième Morceau de la femme coupée en trois, la protagoniste et sa mère entonnent ainsi ensemble Les Conseils de la fée des Lilas. Une fois leur amour avoué et l'identité de la princesse révélée, les noces des deux jeunes gens sont célébrées dans l'harmonie retrouvée. Au contraire du fantastique, si des évènements surnaturels se produisent dans le cas du merveilleux, ils s'inscrivent naturellement dans la réalité et sans provoquer de perturbation[121]. Mais au contraire du conte, si ici le Roi prend, seul, la décision d'épouser sa fille, celle-ci n'y répugne pas et oppose aux arguments de sa marraine son propre amour pour son père[160], poussant ainsi certains critiques à évoquer le complexe d'Électre au sujet de l'attirance d'une fille pour son père. Auréolée de gloire, l'actrice est devenue à l'époque une icône, et son intérêt pour le projet est un atout pour la mise en chantier du film, dont le scénario et les chansons sont déjà écrits, tout comme la musique composée par Michel Legrand[15]. Puis en calmant les ardeurs du roi en l'épousant[135].Le blanc, qui est le résultat de l'addition de toutes les couleurs du prisme, est ainsi également la couleur de transition et d'unification qui fait le lien entre les personnages, à l'image du carrosse argenté tiré par des chevaux blancs et rempli de plumes, qui mène la Princesse du royaume bleu au royaume rouge[43],[30],[10]. Le film a été restauré en 2003 et en 2014, sous la houlette d'Agnès Varda, compagne de Jacques Demy, et avec la participation de leurs enfants Mathieu et Rosalie[101]. Après la mort de celle-ci, le roi accablé de tristesse dit à sa fille qu'il ne veut plus jamais la revoir. C'est ainsi que Jim Leon est engagé par le réalisateur, rencontré à San Francisco[34], après lui avoir montré comme travaux une sérigraphie de papillon et un dessin érotique évoquant notamment Alice au pays des merveilles. Les efforts des ministres pour trouver une princesse à la hauteur de la défunte reine restent vains, jusqu'à ce qu'ils admettent que seule la fille même du couple royal peut se prévaloir d'une telle beauté. Il garde aussi le souvenir des Renaissance fairs (fêtes médiévales) chères aux Américains, qui reconstituent les temps d'autrefois en respectant le folklore, les costumes[10], et où l'on croise des jeunes filles aux longs cheveux de princesse. Le thème de l'inceste, qui fait l'originalité du conte de Perrault, est préservé dans la relecture plus moderne de Demy, qui reconnaît son aspect « obscène, presque pornographique », ce pourquoi « le sujet est formidablement intéressant[159] ». Il ne paraît pas encore prêt à la rencontrer[168]. Outre le repère de la Fée des lilas, c’est la cabane dans laquelle la princesse cuisine son fameux cake d’amour qui a retenu l’attention des archéologues. L'aspect cyclique des saisons répond également au genre du conte et à la figure de style de la pathetic fallacy : la maladie de la Reine bleue est révélée par le narrateur alors que l'orage gronde au-dehors du château, correspondant à l'automne ; sa mort survient en hiver, son cortège funèbre déambulant dans la neige stérile ; et c'est dans le renouveau du printemps, dans une forêt verdoyante, que la Princesse et le Prince s'aperçoivent et tombent amoureux[119],[120]. Le miroir, instrument du reflet et du doute, est un motif qui revient à plusieurs reprises tout au long du film comme pour interroger l'exactitude des personnages. Mais c'était surtout en sous-main, une injonction à la surréalité au sens esthétique et littéraire[41]. Le miroir magique dont se sert Peau d'âne pour espionner la réaction de son père rappelle aussi celui de la Belle[142], et la réplique de la marraine : « Les Fées ont toujours raison » fait écho à celle de Cocteau : « Les Faits ont toujours raison »[53]. Le scénario est truffé de pièges. Mais ce rationalisme tient aussi d'une certaine naïveté, ce qu'illustrent les représentations au premier degré d'une vieille qui crache des crapauds « pour de vrai » ou encore des doigts que l'on mutile en cherchant à les amincir[68]. Ne s'avouant pas vaincue, elle conseille à la princesse de demander à son père qu'il lui offre comme ultime preuve d’amour la peau de l'âne crottant des louis d'or. La musique de Michel Legrand lui semble également trop peu originale par rapport à ses créations précédentes. Il n'hésite pas à user de la bonne volonté de ses parents, prêts à tout pour rétablir sa santé inquiétante, en exigeant que Peau d'âne lui cuisine un cake et que soit organisée une séance d'essayage de la bague pour toutes les jeunes filles du royaume, y compris les domestiques au travail[n 22], alors même qu'il sait déjà que le bijou ne peut appartenir qu'à Peau d'âne. Le vilain petit canard : l’intolérance, le rejet de l’autre. On en gardera la mémoire. Au début du voyage, il y a les fantasmes, puis le passage dans l'autre monde provoque une série de déblocages avec la scène du rêve, puis celle de l'essayage de l'anneau... », — Jacques Demy, 1971, Image et Son[154],[155],[156]. Un 45 tours réunissant deux extraits de la bande sonore du film, Recette pour un cake d'amour et Conseils de la Fée des lilas, sort quelques mois plus tard chez Pathé Marconi[72],[73] ainsi qu'un 45 tours produit par Michel Legrand et comprenant la Chanson du Prince et Amour, Amour, interprétées respectivement par Jean-Pierre Savelli et Angela (Productions ML, réf.45.542)[74]. Lors de la séquence tournée à Chambord, Jean Marais fait quotidiennement l'aller-retour depuis Paris, où il doit être présent chaque soir sur la scène du Palais-Royal pour jouer L'Amour masqué. Demy renonce à la mise en scène ambitieuse dont il rêvait dès les premières moutures du scénario, en mars 1969, et qui prévoyait des plans mobiles et complexes au moyen de grues et de travellings[42]. ». Si bien que je suis la première enchantée de pouvoir le redécouvrir dans ses couleurs d'origine ! Musique : Michel Legrand D'où ce constat amer de Demy, obligé de restreindre ses ambitions : « Au dernier moment, j'ai dû supprimer un figurant sur deux, un décor sur deux, un costume sur deux, pour pouvoir faire le film. L'iris, après voir isolé son visage, disparaît alors dans un écran vert : la Princesse va compléter sa métamorphose et prendre l'initiative ; lorsque la Reine rouge demande des informations sur la jeune fille à qui son fils a demandé la confection d'un gâteau. Ainsi, chaque jour, le roi était plus riche. La mise en scène est d'un raffinement extrême[80]. ») et par sa complexité (« Nous convenions que Peau d’Âne était de loin le conte le plus complexe[9] »). Peau d'âne apparaît ainsi comme un « rêve sous hallucinogènes », profondément ancré dans la contre-culture des années 1960 déjà représentée dans Model Shop, le précédent film de Demy[17]. On fait alors venir Peau d'âne au château. Il y consent. En dépit du coût et de la brièveté des délais accordés, le Roi accède à ses demandes. « Les défauts de Peau d'âne […] sont sans doute ceux de projets caressés depuis trop longtemps et qui, entrepris sur le tard, n'offrent plus qu'un aspect fané », conclut-il avant d'établir le contraste avec les cinéastes américains, qu'il juge moins « complaisants à l'égard de leur propre univers[82] ». Plus tard, une fois Peau d'âne établie dans la vie quotidienne du village, deux valets de ferme se moquent d'elle en la surnommant « Cucendron », comme le fait l'aînée des demi-sœurs envers l'héroïne éponyme de Cendrillon. Mais, comme Chambord est plutôt pauvre en meubles, le bruit des touristes passant et parlant derrière les portes était accru par la résonance de ces grandes salles à peu près vides. Marguerite et Julien, film sorti en 2015 de Valérie Donzelli, s'inspire lui plus largement et ouvertement de l'univers de Demy par ses thématiques incestueuses, son lyrisme et ses anachronismes volontaires[97],[98]. Ces films, ce n'était pas un travail, je ne les confonds pas avec d'autres, « Au dernier moment, j'ai dû supprimer un figurant sur deux, un décor sur deux, un costume sur deux, pour pouvoir faire le film. Prince d'un royaume voisin à celui du château bleu, le Prince cherche l'amour véritable. C’est une loi des humains. Mais la Princesse ne saisit pas l'amusement que son père tire de poèmes aussi incompréhensibles à l'époque du film, et est effarée de la déclaration d'amour qu'il lui fait alors, si bien qu'elle lui réplique pour mettre fin à cet épanchement anachronique : « La poésie vous égare, mon père ». Elle réemploie la partition originale de Michel Legrand, qui a composé pour l'occasion dix minutes inédites de musique, et à qui le public fait une ovation lors de la toute première représentation. Avec 2 198 576 entrées en France[84], le film réalise un beau score commercial et se classe au 12e rang du box-office des films sortis en France en 1970[85]. Dans les films de Demy plus particulièrement, le blanc est aussi la couleur de l'amour sublimé, de l'idéal poursuivi et du rêve[136]. Les couleurs, qui imprègnent bien plus d'éléments que les films traditionnels, des chevaux jusqu'à la peau des gardes, sont à rattacher au style vif et aux couleurs tranchées d'Andy Warhol. Cette domestication du taudis reflète, selon la chercheuse Kristen Ross, un comportement social propre à l'époque des Trente Glorieuses en France et que Walt Disney avait par ailleurs incorporé dans sa version de Blanche-Neige, dont Jacques Demy dit qu'elle lui venait à l'esprit à chaque fois qu'il pensait à la conception de cette scène[n 24]. souhaitée]. Le laid est transfiguré et le beau promulgué au nom de « l'amour de l'amour »[131]. Selon sa fille Rosalie Varda, Demy tient « juste [à] réaliser un film dérangeant contre l'ordre établi et l'éducation judéo-chrétienne[10] ». On voit la souplesse du tissu quand elle la soulève : c'était du taffetas, « la convergence de toutes ces influences [les partis pris visuels et musicaux] aboutit à un temps imaginaire, à un entre-deux temporel, « Mais qu'allons-nous faire de tant de bonheur ? Les droits étaient tombés et depuis quatre ans le film était gelé, comme on dit. Ce même procédé est utilisé pour signifier le retour du printemps, lorsque l'écran laisse apparaître des branches bourgeonnantes[58]. C'est-à-dire l'appauvrir véritablement alors que c'est un film qui réclamait du fric puisque c'est un film sur de la magie et que la magie ça se paie très cher, « Puis, au tournage, un technicien s'est promené avec un projecteur 16, « la projection aurait été déformée par les plis de la robe. La sempiternelle ritournelle propre aux contes de fées, qui assure bonheur et stabilité au couple de héros, est ainsi remise en question[164]. Le Prince obtient de ses parents de faire défiler toutes les femmes du royaume pour savoir à qui appartient cette bague. Il imagine en tout 28 maquettes pour Peau d'âne[33],[35], ainsi que le paravent dans la salle du trône et l'affiche utilisée pour la promotion du film, fameuses représentations psychédéliques[34]. Celui-ci adjoint à la version classique une seconde, en prose, celle-là même qui sera par la suite la plus reprise et illustrée notoirement par Gustave Doré. Le conte de Perrault dans son intégralité : Peau d'Âne. Parce qu’une rose qui parle vous regarde toujours dans les yeux. Le film s'achève sur les derniers vers du conte original : « Le conte de Peau d’Âne est difficile à croire, Ce sont d'ailleurs des blanchisseuses qui sont les premières à se moquer de l'apparence de la jeune fille. Ébloui par sa beauté, il en tombe amoureux et rentrant au palais se meurt d'amour. En 2014, dans L'Année prochaine, les chansons sont cette fois-ci interprétées par deux personnages qui viennent de regarder le film. Le beau prince, poussé par la curiosité, regarda à travers la serrure de la maisonnette de Peau d’âne. À l'écurie de beaux chevaux et surtout un âne étonnant : au matin, sa litière, loin d'être sale, était pleine d'écus d'or. Et les toitures enneigées du château bleu que l'on aperçoit alors qu'advient la mort de la Reine bleue sont en réalité collées par matte painting sur une vitre placée devant un panorama général du château et au-devant de laquelle sont projetés de faux flocons de neige.